Partie II : Dysfonctionnements et appareillages

La surdité est une pathologie caractérisée par une perte partielle ou totale du sens de l’ouïe. Ce handicap peut être présent dès la naissance comme il peut se révéler plus tard. Les causes de la surdité peuvent être génétiques, virales ou parasitaires (par exemple pendant la grossesse), dues à des maladies comme la méningite par exemple (inflammation des méninges, la membrane qui entoure le système nerveux central), l’ototoxicité (qui provoque des lésions au niveau de la cochlée, l’oreille interne ou le nerf auditif) médicamenteuse ou par un traumatisme sonore. Les déficiences auditives ne sont pas visibles, mais souvent stigmatisantes. Les aides techniques, même très perfectionnées, ne font pas disparaître le handicap, et sont utiles seulement lorsqu’il existe une audition résiduelle suffisante chez la personne sourde.

  • Les différents types de surdités:

L’éventail de la perte de l’audition va des problèmes auditifs mineurs, de 21 à 40 dB, la parole est perçue à voix normale mais difficilement à voix basse comme tous les sons faibles ou lointains. A la surdité moyenne, de 41 à 70 dB, la parole est entendue si on élève la voix, mais mal comprise, quelques bruits familiers sont encore perçus. A sévère, de 70 à 90 dB, le handicap est important, seuls les bruits forts et les voix proches sont perçus. La surdité est profonde quand elle est supérieure à 90 dB et va jusqu’à 120 dB de perte, la parole n’est plus du tout perçue et seuls les bruits très puissants sont entendus sans être nécessairement identifiés. Et enfin la surdité totale il n’y a plus d’audition mesurable.

 La surdité de transmission survient lors d’une lésion de l’oreille externe ou moyenne au niveau du tympan ou sur la chaîne des osselets ce qui empêche la transmission correcte du son jusqu’à l’oreille interne. Elle est généralement légère ou moyenne, voire temporaire, entraînant une perte auditive de 25 à 65 décibels. Selon l’origine du problème, certains médicaments ou une intervention chirurgicale peuvent se révéler efficaces pour la soigner. Le recours à une prothèse auditive ou à un implant  peut également permettre de corriger ce type de surdité.

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Schéma représentant l’oreille externe et moyenne (en couleur sur l’image) atteinte par la surdité de transmission.

 La surdité de perception également  appelée surdité neurosensorielle est due à une lésion de l’oreille interne, notamment du limaçon (la cochlée) et de ses cellules ciliées qui décodent les vibrations reçues sous forme d’ondes liquides et les transforment en influx nerveux qui véhiculent les sons au cerveau. La surdité de perception risque davantage d’être permanente et de provoquer la surdité totale. L’usage d’une prothèse auditive permet le plus souvent de corriger les surdités neurosensorielles légères à sévères. Les implants cochléaires constituent une solution en cas de surdité sévère ou profonde.

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Schéma représentant l’oreille interne (en couleur sur l’image) touché par la surdité de perception.

 Il arrive aussi qu’une association de surdité de transmission et de surdité de perception se produise, ce phénomène s’appelle alors la surdité mixte. Elle est due à des problèmes au niveau de l’oreille interne et de l’oreille externe ou moyenne. Elle peut être guérie par la prise de médicaments, la chirurgie ou l’utilisation d’une prothèse auditive ou d’un implant.

Il existe également la presbyacousie, ou la perte de l’audition liée à l’âge. Il s’agit d’une affection qui, à long terme, rend la personne qui vieillit sourde à cause de la décomposition lente des cellules ciliées très sensibles qui tapissent l’oreille interne. En effet, sans les cils (petits poils) qui recouvrent ces cellules il devient difficile ou impossible de reconnaître les sons. Parmi les causes de cette décomposition figurent le vieillissement normal, des troubles circulatoires, d’autres maladies telles que le diabète et l’exposition prolongée au bruit ou à des médicaments toxiques.

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Schéma représentant la cochlée, l’organe de Corti et les cellules ciliées tapissant l’oreille interne.

De nombreuses infections de l’oreille mènent à la surdité partielle ou totale. Comme l’accumulation de liquide derrière les tympans qu’on nomme otite séreuse, les perforations des tympans et les malformations osseuses de l’oreille moyenne peuvent provoquer la surdité de transmission. Dans de rares cas, des tumeurs peuvent également provoquer celle-ci, elles empêchent alors l’entrée du son dans l’oreille interne. Les maladies congénitales et les maladies génétiques représentent l’une des causes majeures de la surdité de perception. La moitié des cas de surdité profonde chez les enfants sont d’origine génétique. Elle peut être également acquise à cause d’anoxie néo-natale qui provoque un manque d’oxygène à la naissance et peut provoquer de graves lésions des oreilles et des troubles auditifs, en contractant la rubéole (maladie virale de la petite enfance) ou la méningite qui endommage le nerf auditif chez l’enfant, etc…

Il arrive, plus rarement, que la surdité ou la perte auditive se produise soudainement. Elle peut être permanente ou temporaire, et n’affecte généralement qu’une seule oreille. La cause est inconnue, mais elle peut être d’origine virale ou provenir d’un désordre du système circulatoire ou immunitaire. Il y a une possibilité pour que la perte d’audition soit réversible grâce à l’utilisation de médicaments. Cependant, les chances de guérison sont plus faibles si la perte d’audition était très importante dès le départ. Un traitement aura davantage de chances de fonctionner s’il est entamé tôt, dans l’idéal, au cours de la semaine qui suit l’apparition de la perte d’audition.

Parmi les autres causes de surdité de perception figurent le diabète et différents troubles cérébraux ou nerveux comme les accidents vasculaires cérébraux. Les voies nerveuses, qui transmettent les impulsions sonores au cerveau, peuvent être endommagées par la sclérose en plaques ou par d’autres maladies qui attaquent l’enveloppe des nerfs. Une blessure violente et des traumatismes physiques violents de l’oreille dit acoustiques peuvent entraîner une surdité permanente par exemple lors d’une variation brutale de pression, d’un choc, d’un traumatisme sonore unique ou répété.

On observe donc une immense variété des causes de la surdité ce qui freine la recherche pour vaincre celle-ci. L’avenir cherche donc à combiner les différentes thérapies à notre disposition pour palier à ces surdités très différentes les unes des autres.

  • Les comportements dangereux ou à risques:

Dans certains types d’occupations, l’exposition à un niveau élevé de bruit comme celui qui est produit par les machines utilisées pour la  construction ou par la musique à un volume trop fort peut provoquer une perte auditive neurosensorielle pour les personnes de tout âge, il s’agit de la cause la plus fréquente de perte auditive. Parmi les autres sources d’exposition excessive au bruit, il y a la fréquentation de concerts ou de boîtes de nuit, ou encore l’usage d’écouteurs pour la musique, d’appareils ménagers puissants ou d’armes à feu. Plus fort est le bruit et plus long est le temps d’exposition de la personne à ce son, plus grave est le risque d’être touché par ce type de perte d’audition. En effet, les cellules de l’oreille interne produisent une substance toxique qui n’est pas dangereuse en soi mais qui peut tuer ces mêmes cellules quand elle est produite en trop grande quantité. Plus la musique est forte, plus le phénomène se produit rapidement. La limite de décibels (dB), avant que la substance ne se crée, est estimée à 85 dB sur une durée de 8 heures. Quand le son est de 88 dB, le temps d’écoute est limité à 4 heures. L’idéal serait de réduire la durée d’écoute par deux lorsque le son augmente de 3 dB. Il faut donc baisser le son du mp3 ou du poste de moitié. Lors de concerts ou de manifestations bruyantes, il ne faut pas hésiter à mettre des protections auditives telles que des boules Quies.

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Graphique retraçant les différents seuils de l’audition en fonction du nombre de Décibels correspondant à chaque situation.

Il faut également surveiller sa consommation de médicaments, en effet l’ototoxicité de ces derniers peut provoquer une surdité de perception transitoire voire définitive. Notamment pour les diurétiques, comme le Lasilix ou l’Aldactone, utilisés pour l’hypertension artérielle ou l’insuffisance cardiaque, pouvant causer une perte auditive importante, heureusement les effets s’estompent à l’arrêt du traitement. Les anti-inflammatoires, comme l’Aspirine ou le Kardégic (pour le cœur), peuvent également provoquer une perte de l’audition transitoire quand ils sont pris à trop forte dose. Les effets sont donc réversibles dans ces cas-là. En revanche, la perte de l’ouïe est irrémédiable pour les médicaments anticancéreux (Glivex ou Methotrexate) causant des problèmes d’auditions similaires à la presbyacousie. Dans ce cas, la seule solution pour pallier la perte auditive est le port d’un appareil auditif.

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  • Appareillage et intégration:

Parmi les personnes ayant un handicap auditif, on distingue : les personnes devenues sourdes, elles pratiquent en général peu la langue des signes ou la lecture labiale mais elles ont une bonne connaissance du français et s’appuient sur l’écrit. Les personnes sourdes de naissance : elles utilisent beaucoup plus la langue des signes, mais le français est par contre fréquemment perçu comme une langue étrangère. Elles développent un sens de la perception visuelle précis, mais aussi une grande sensibilité aux vibrations.

La surdité a de nombreuses conséquences sur la vie sociale. Les principales sont les suivantes : elle compromet la communication et même le simple accès à celle-ci, et donc à l’intégration. Elle freine également l’acquisition du langage, car il est difficile d’émettre des sons que l’on ne parvient pas à entendre, elle s’accompagne parfois d’une difficulté à oraliser.  Bien heureusement, la plupart des personnes atteintes de déficience auditive possèdent encore des capacités pour entendre, les prothèses leur apportent une réelle amplification des sons et une meilleure possibilité de communiquer.

Les appareils auditifs externes sont des appareillages qui permettent d’augmenter les sons qu’ils perçoivent. Placés au niveau des oreilles des patients, ces prothèses miniatures sont dotées d’un microphone qui enregistre les vibrations sonores, puis un amplificateur intègre et retransmet les sons à l’oreille à l’aide d’un haut-parleur. Ce type d’appareil nécessite l’utilisation de l’ensemble du système auditif du patient, il est donc nécessaire que la personne possède une audition fonctionnelle, mais amoindrie, comme les personnes âgées atteintes de presbyacousie. Il ne s’agit pas seulement d’augmenter le volume du son environnant, la stratégie est bien plus complexe. En effet, au sein de l’intervalle de fréquences perceptibles par l’oreille humaine (allant de 20 à 20.000 Hertz) certains sons doivent être privilégiés parmi d’autres (par exemple une conversation au milieu d’un brouhaha) alors que d’autres doivent être diminués. Ainsi, il existe un grand nombre de prothèses auditives différentes, dont les efficacités ne se valent pas.

Le système d’implant est quant à lui une solution palliative à la surdité  mais n’est surtout pas à confondre avec les prothèses auditives traditionnelles comme décrites ci-dessus, qui sont de simples amplificateurs des sons naturels. Le système d’implant cochléaire repose sur le principe de stimulation électrique, et il est conseillé aux personnes souffrant d’une surdité de perception sévère à totale. L’implant cochléaire remplace pour sa part la cochlée déficiente. Son principe est de stimuler directement le nerf auditif en fonction des sons captés par un microphone. Il est composé essentiellement d’une partie externe appelée « processeur » et d’une partie interne appelée « implant ». Différents types d’implants existent également pour répondre à des indications spécifiques (cochlée ossifiée, nerf auditif endommagé, etc…).

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Schéma et explication du fonctionnement d’un implant cochléaire.

Les avantages d’un tel système sont la perception et l’interprétation des sons par l’oreille, qui permet à chacun de communiquer avec son entourage, de participer à des conversations. Les personnes atteintes de surdité sévère à profonde sont malheureusement souvent privées de cette faculté. L’implant cochléaire peut être une solution efficace. En effet, lorsque les prothèses auditives classiques n’apportent plus suffisamment de bénéfices pour la compréhension de la parole, l’implant cochléaire permet aux personnes malentendantes d’améliorer leur qualité de vie en leur donnant (ou en leur redonnant) une meilleure intelligibilité dans le calme et dans le bruit, et en les aidant à affronter les défis du quotidien, de la vie professionnelle ou scolaire. Les patients implantés déclarent se sentir davantage en sécurité (en pouvant être alertés en cas d’urgence par exemple), ils sont aussi plus indépendants et retrouvent une vie sociale. Pouvoir utiliser le téléphone, prendre rendez-vous chez le médecin, regarder la télévision, participer à un dîner, entendre une alarme, partager des secrets, profiter du rire des enfants. Autant de sons qui ne seront plus à deviner.

Malheureusement, les implants cochléaires ont également des limites, ils ne restaurent pas une audition normale et imitent seulement grossièrement des signaux reçus. De plus, il existe une vraie controverse : certaines personnes ne considérant pas que l’absence d’audition est un handicap, elles ne souhaitent pas voir leurs enfants sourds avec des implants, malgré les efforts des scientifiques à proposer des solutions à la fois discrètes et performantes. De plus, les adultes  ayant perdu l’ouïe et bénéficiant d’ un implant cochléaire associent les stimulations reçues à leurs souvenirs de la parole. Les enfants, eux n’ont pas cette chance, s’ils sont atteints d’une surdité congénitale,  il leur faut un implant avant l’âge de deux ans pour acquérir le langage à un rythme à peu près normal, en effet ceux de plus de 7 ans obtiennent des performances bien moindres.

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La tomographie de l’activité du cortex auditif avant la pose d’un implant chez des enfants atteints de surdité congénitale et leur compréhension de la langue (en pour cent) après celle-ci (voir tableau).
Partie II : Dysfonctionnements et appareillages

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